Subject : Télévision
: 56 k à part
by : Marie Lechner
Date : 2004/11/26
Link : http://www.liberation.fr/page.php?Article=256973
ART-MEDIAS ET CARNETS DE BÂLE. Viper, le festival de vidéo
et nouveaux médias, se tenait le week-end dernier en Suisse.
Télévision : 56 k à part
56k, une chaîne mi-télé, mi-Web avec sa série,
son JT, son web-thriller...
Par Marie LECHNER
vendredi 26 novembre 2004 (Liberation - 06:00)
www.56k-bastard.tv
'est revendiqué : 56k
TV est une chaîne bâtarde, mi-télévision, mi-Web.
Elle n'existe qu'en ligne mais se regarde comme une chaîne télévisée.
Elle singe la grille de programmes du petit écran (fictions, talk-shows,
animations, séries télé, infos, cul) mais avec les
moyens (outils low tech, budgets limités) et l'esthétique
du Net (Flash, pixels, bannières, vidéo basse déf,
webcam, interactivité, moteur de recherche, code). La «Bastard
Channel» a été officiellement lancée samedi
à Viper, festival d'art-médias de Bâle, et réalisée
par Xcult sur une initiative de Pro Helvetia (fondation suisse pour la
culture). Projet international d'art en ligne, 56k TV rassemble des artistes
de Bâle, Berlin, Genève, Johannesbourg, New York, Ostrava,
Paris, Séoul, Tokyo et Zurich. Pour l'instant, elle propose sept
émissions, avec un nouveau programme tous les mois. Comme pour
la télé, ces programmes ne sont accessibles qu'à
certaines heures et non en continu, histoire de prendre à rebours
les habitudes de consommation boulimiques et compulsives des zappeurs
et surfeurs invétérés. Pour chaque émission,
un teaser pour allécher l'audience, avec les jours et heures de
diffusion. «L'esprit Bastard Channel, explique le commissaire du
festival Reinhard Storz, est celui du Web : le débit bouillonnant
de la télévision y croise celui hésitant du modem
de 56k.»
Intrigue transpacifique. Certaines émissions se savourent
comme des films. Le web-thriller chaotique de Jimpunk Acidmissile
trois minutes à couper le souffle où l'écran, pris
de folie, se remplit de fenêtres tressautantes et clignotantes,
d'images, de graphiques, de textes et sons grappillés sur le Net
propose une expérience quasi cinématographique du
réseau. Comme toute chaîne qui se respecte, Bastard Channel
a sa série télé, une intrigue transpacifique en treize
épisodes signée Young-hae Chang. Avec son style minimal
incomparable (texte animé, en noir sur fond blanc), l'artiste sud-coréenne
livre les pensées vagabondes d'un agent secret qui attend son contact
dans un café à Séoul. Suspense et rebondissements
garantis. Le talk show Nouvelles d'outre-tombe promet aux spectateurs
d'entrer en contact avec les morts. Racoleur à souhait mais antispectaculaire
au possible, l'animation se réduit à quelques pixels mal
dégrossis qui rajoutent au mystère.
Sur 56k TV, même la mire est interactive, le Shynx télé
(ou son robot intelligent) répond aux questions des spectateurs
dans les trois jours. Bien sûr, pas de télévision
sans JT. L'automate TV bot de l'artiste zurichois Marc Lee va chercher
de l'information sur le réseau (streams diffusés par les
radios, vidéos des chaînes d'infos, webcams, dépêches
d'agences de presse) et en fait une sorte de collage régulièrement
actualisé. «Le Net est bourré d'archives, d'informations
froides qui sommeillent aux tréfonds du réseau. TV bot ne
s'intéresse qu'à l'actualité brûlante puisque
rien de ce qui apparaît à l'écran n'est plus vieux
qu'une heure.» Le chaos de l'information mondiale en un coup d'oeil.
Pixels floconneux. Aux heures où les enfants se couchent,
les auditeurs pourront se brancher sur Milk. Le programme hardcore de
Shu Lea Cheang va pomper les images sur les sites de cul. Une accumulation
jusqu'à l'écoeurement pendant qu'un compteur muet affiche
le nombre d'Africains morts du sida depuis que le visiteur a chargé
la page web. Comble du vice, pour s'adapter à la législation
suisse, l'artiste a dû proposer une version «soft» de
son oeuvre (1), les images diffusées sur 56k TV sont cryptées
de pixels floconneux. La Bastard Channel possède aussi son propre
magazine au graphisme soigné, à télécharger
et à imprimer. Des commissaires et critiques d'art s'expriment
dans certaines émissions. Dans le premier numéro, un commissaire
tokyoïte décrypte l'expérimental ZZZZZZZZapp d'exonemo,
et un théoricien d'Amsterdam s'enflamme pour Young-hae Chang.
(1) Version non cryptée sur www.xcult.ch/milk/warn_e.html
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